Par Christian CUSSONNEAU :

On ne sait rien du Moulin Garreau si ce n’est qu’il figure sur la carte de Cassini dressée en 1763 pour l’Anjou. Sa datation ne peut donc actuellement se fonder que sur l’analyse architecturale et stylistique de l’œuvre ; la forme de sa cheminée et la morphologie unique de son massereau, comme on le verra, nous font pencher pour une construction très ancienne, faisant de ce moulin un chaînon important dans l’évolution architecturale du cavier angevin.

En 1836, il appartenait à la veuve Reverdy et à Louis Reverdy, son fils en 1853, date à laquelle il fut endommagé par un incendie. Il ne fut probablement pas reconstruit car il n’est pas nommé dans les Carnets de patentes des établissements industriels de la commune de Gennes, dressés en 1865 et, actuellement, ses vestiges sont envahis par la végétation et les infiltrations des eaux pluviales qui le conduisent doucement, mais inexorablement, à la ruine.


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Construit sur un mamelon culminant à 84 mètres d’altitude dominant la plaine de Louerre et le plateau de Gennes, le moulin Garreau est constitué de la cave du moulin proprement dit et de celle d’un logis construite à angle droit par rapport à la première. L’édifice est en partie creusé dans le tuffeau et sa masse, simple amas de terre rapporté sur les voûtes ne semble pas avoir comporté de murs de soutènement. Le moulin compte une seule cave, voûtée en berceau en plein-cintre, en tuffeau de taille.

Dans le mur de droite, juste avant l’entrée dans le massereau, se trouve une cheminée engagée dont le piédroit présente un corbeau en forme de pyramidion renversé qui permet de dater l’œuvre de la fin du 15e siècle ou du début du 16e siècle. On accède dans le pied du massereau, par un bel arc en plein-cintre. Cet espace, dans lequel se trouvaient autrefois les meules et le beffroi qui les supportait, est de forme polygonale : les murs de l’entrée, latéraux, gauche et droit, sont rectilignes, tandis que le fond de la salle forme une abside à trois pans. A environ 2,50 mètres, la salle est ouverte d’un massereau en pierre de taille de plan régulier hexagonal, rendu possible par l’existence de deux arcs diaphragmes disposés dans les angles antérieurs. Le cône s’élève jusqu’à environ 6 mètres de hauteur, en passant du plan hexagonal au plan circulaire par l’intermédiaire de trompillons. Dans la partie haute, des soles sont encore en place. C’est un travail très soigné et attribuable à un maçon ayant une grande connaissance de l’art du voûtement. Le logis, quant à lui, comporte également une seule grande cave voûtée en berceau, au fond de laquelle se trouve une cheminée avec four à pain et un potager. Ce logis fut peut-être aménagé postérieurement au moulin lui-même.


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Ce moulin, datable de la charnière des 15e - 16e siècles est intéressant car il montre qu’à cette époque, la structure et la forme du massereau n’étaient pas encore définitivement fixées. Dans cet exemple, la solution architecturale adoptée par le commanditaire et le maçon, très savante et d’une grande complexité, est difficile à reproduire. C’est probablement dans le courant de la première moitié du XVIème siècle que le massereau à base circulaire est adopté, facilitant sa construction et la mettant à portée des maçons ordinaires.

cadastre napoleonien

Plan cadastre napoléonien

Depuis 2010, la restauration du moulin a commencé, et en parallèle les recherches se poursuivent pour connaître davantage l'histoire du moulin. L'association AuGuRA, Association Gennoise de Recherches Archéologiques, présidée par Anaïs Noyelle puis Tristan Ferrat et dirigée scientifiquement par Laure Déodat, a réalisé plusieurs travaux, en collaboration étroite avec Moulin Vivant.

Une étude dendrochronologique a été initiée en 2014. Elle a pour objectif, par l'analyse des cernes des bois (linteaux, soles), de dater la construction du moulin. Réalisée par l'entreprise Dendrotech, dirigée par Yann Le Digol et basée à Rennes, et financée pour moitié par la DRAC et pour moitié par l’entreprise Médiaclap, l'éude est en cours. Les premiers résultats ont fourni la date de l'abattage de l'arbre qui a permis de construire le linteau de la porte d'entrée : 1516. Cette date va donc dans le sens de l'analyse architecturale (voir historique).

Une étude en archive, menée par Michèle Marc, membre de l'association AUGuRA et par Laure Déodat, a permis de découvrir quelques textes intéressants. Le premier est un acte de 1623 par lequel il est fait état de biens dont "un morceau de vigne sis près du Moulin Garreau". C'est la mention la plus ancienne et la plus explicite du moulin. Un autre texte a attiré notre attention car il mentionne un certain Guillaume Garreau en 1579 qui possède des terres non loin du moulin et qui pourrait tout à fait être le propriétaire de celui-ci, soit la personne qui est à l'initiative de la construction du moulin, soit plus logiquement l'un de ses descendants ; à moins que ce moulin ait d'abord été banal et ait donc appartenu dans un premier temps à un seigneur avant d'être vendu (lieu et droit de moudre) à cette famille. Un autre acte plus récent, daté de 1763, nous apprend qu'un certain Pierre Hamon vend un moulin à Louerre à Louis Reverdy. Comme c'est la famille Reverdy qui possède le moulin en 1853, lorsque celui-ci prend feu, il y a de fortes chances qu'il s'agisse bien du moulin Garreau.

Enfin, une étude archéologique, réalisée en juillet 2015, avec l'autorisation du Service Régional de l'Archéologie (Nantes), a permis de mettre au jour un habitat du bas Moyen Age (14e ou 15e siècle) visiblement antérieur à la construction du moulin. Cet habitat semi enterré, construit en moellons de tuffeau et de grès, était recouvert entièrement d'un sol en carreaux de terre cuite. Il semble aussi avoir été pourvu d'une cheminée dont les pierres ont été toutes récupérées (peut-être dans la construction du moulin). Ce sont quelques objets archéologiques découverts dans les couches de démolition qui ont permis de dater ce bâtiment : quelques fragments de céramique et surtout un carreau d'arbalète du 14e siècle. Cette pointe de flèche, arme de guerre, représente une belle découverte.

Une autre étude archéologique a été menée par l'INRAP en juillet 2016 et dirigée par Jean Brodeur, dans le cadre d'un diagnostic anticipé demandé par Moulin Vivant, afin de connaître le sous-sol de l'environnement immédiat du moulin : zones où la mise en place du parking et de quelques canalisations auraient pu affecter de potentiels sites archéologiques. C'est dans ce cadre qu'une grande tranchée a été découverte, face à la porte d'entrée et sur 26 m de long. L'archéologue Jean Brodeur interprète cette structure comme la probable descenderie de chantier d'accès au moulin. Aucun autre site n'a été découvert sur les lieux ce qui va permettre à l'Association de mener à bien ses travaux.